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CCNE: Consensus et divergences sur la fin de vie

Le Conseil Consultatif National d’Éthique (CCNE) a publié le 23 octobre dernier un volumineux rapport sur la Fin de vie. Celui-ci fait un constat de consensus sur le respect des volontés de la personne, l’urgence d’améliorations des conditions de prise en charge de la fin de vie par le système de santé, de l’impérieuse obligation du traitement de la douleur. Par contre, le CCNE observe en revanche la persistance de profondes divergences sur les questions de l’assistance au suicide et de l’euthanasie.

Concernant le consensus, il convient d’aller au delà du diagnostic partagé sur la situation scandaleuse de notre système de santé face à la fin de vie, qui met en lumière une situation mainte fois exposée mais sans doute insuffisamment diffusée. Le point clé est l’émergence de la volonté de la personne et du respect de ses droits. De là découlent la nécessité de rendre contraignantes et opposables les directives anticipées et le soulagement de la douleur, jusqu’à la sédation terminale, profonde et prolongée jusqu’au décès, à l’initiative du médecin et/ou du patient qui va mourir.

Le risque cependant persiste de reconnaître de manière conditionnelle cette volonté si elle s’oppose à l’expertise du médecin. Par exemple, les directives anticipées ne pourraient être véritablement opposables que si elles sont rédigées avec le médecin lors d’une situation engageant le pronostic vital.

Plus intéressant est l’analyse critique des divergences sur l’assistance au suicide et l’euthanasie. Un très long développement de 19 pages dans le rapport CCNE montre l’importance de la parole des opposants à l’autonomie de la personne. Presque toutes les contributions formulées expriment le point de vue de professionnels ou d’institution de santé. Elles s’opposent aux positions prises par la conférence citoyenne de fin 2013. Le rapport mentionne des opinions contraires, qui toutefois demeurent minoritaires.

Le poids des problématiques médicales conduit à un refus d’entendre les demandes réelles, certes minoritaires, de femmes et d’hommes, qui expriment avec force leur détermination d’obtenir pour tous une possibilité d’aide active à mourir, lorsque leurs heures sont comptés et les souffrances futures inacceptables ou leur situation intolérable.

Les contributions au rapport CCNE sur suicide assisté et euthanasie ne correspondent pas à la réalité des demandes d’aide active à mourir, telles que je les ai constatées ou m’ont été rapportées et décrites. Celles-ci concernent le plus souvent des situations de refus ou de continuation de soins, répétées, cohérentes et fermes. Elles sont exprimées par des personnes bien entourées et intégrées, en général de formation supérieure ou ayant exercé des responsabilités professionnelles ou sociales. Pas des personnes défavorisées, fragiles, exclues, rejetées, déprimées. Des hommes et des femmes doivent aller en Suisse quand il est temps, y renonçant dans le désespoir s’ils ne peuvent plus faire le voyage.

Le consensus sur l’amélioration des conditions de la fin de vie est sur le point d’être formalisé. Le consensus immédiat sur l’adhésion à la mort choisie est improbable. Ce qui doit être construit est un consensus sur le respect de la mort choisie, même si elle ne concerne qu’une minorité.

Si je (Daniel Carré) dois choisir l’instant de ma mort, ce sera en toute transparence vis-à-vis de ceux que j’aime et estime, qui connaissent les valeurs qui motivent les dernières années de ma longue existence. J’en appelle à l’esprit des Lumières. Je respecte ceux qui seraient tenter de retreindre mon autonomie. Même si je ne les partage pas, je défendrais leurs droits au respect de leurs croyances et de leurs pratiques sociales. Qu’ils acceptent en retour mon droit à une mort choisie avec l’accompagnement compassionnel indispensable à la sérénité de mon départ, au lieu de vouloir exercer un vain contrôle social sur mes décisions ou celles de la personne de confiance que j’ai formellement mandaté.

Les résistances contre ce changement de paradigme sont un combat d’arrière garde. Comme le dit Lord Falconer, “it is not a question of whether [legalisation] will happen but when it will happen”. Ce changement fait partie des transformations en cours de notre système de santé. J’ai la conviction qu’il sera porté avec les médecins et les soignants qui s’ouvrent enfin à la prise en compte de la volonté du patient pour réussir leurs missions irremplaçables.

(grace à Daniel Carré)

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